Pour la fête du Corps et du Sang du Christ, on lit un récit de miracle et plus exactement de multiplication des pains : ce choix peut nous surprendre ; Corps et du Sang du Christ, nous pensons aussitôt à l’Eucharistie... et, à première vue, quel lien y a-t-il entre l’Eucharistie et un miracle de multiplication des pains ?
Les gestes que Jésus fait sont décrits avec les termes mêmes de la liturgie eucharistique :
« Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel il les bénit, les rompit et les donna à ses disciples»
« Le jour commençait à baisser » : les disciples ont souci de ces gens qui vont se laisser surprendre par la nuit ; très sagement ils suggèrent la solution : il faut disperser cette foule, renvoyer tout le monde ; chacun pourra régler son problème de logement et de nourriture ;
on trouvera bien le nécessaire dans les environs ; c’était envisageable. Mais Jésus ne retient pas cette solution de dispersion : car le Royaume de Dieu est un mystère de rassemblement, nous le savons ; il ne s’accommode pas du « chacun pour soi ».
Et Jésus dit sa solution à lui : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » ; les disciples ont dû être un peu surpris ! Sa solution, elle est facile à dire, mais comment faire ? Les disciples réalistes, comme beaucoup d’entre nous, ils rétorquent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons » ; cela pourrait aller pour une famille, peut-être, mais pour cinq mille hommes, c’est dérisoire. A vues humaines ils ont raison. Mais pourtant, si Jésus leur dit :
de nourrir eux-mêmes la foule, c’est qu’ils en ont les moyens, et que ça va dans le sens logique de la mission de Jésus et de ses disciples.
Alors ils ne voient qu’une solution,: nous pourrions « aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce monde ». C’est déjà beaucoup mieux ; ce n’est pas une solution de dispersion ; mais ils n’ont pas beaucoup d’argent. Mais il y a une autre solution qu’ils ne voient pas : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante ». Comme à l’époque de Moïse,
il avait regroupé le peuple qu’il conduisait par groupe de cinquante. Jésus choisit donc la solution du rassemblement ; on peut remarquer cependant que si le règne de Dieu est un rassemblement, ce n’est pas une foule indistincte, c’est un rassemblement organisé ; une communauté de communautés, un rassemblement de communautés distinctes, si l’on préfère.
Il « bénit » les pains : ce n’est pas un rite magique sur le pain ; c’est reconnaître le pain comme don de Dieu et lui demander de savoir l’utiliser pour le service des affamés. Reconnaître le pain comme don de Dieu, c’est tout un programme ; c’est très exactement le sens de la démarche de la préparation des dons à la Messe : ce que l’on appelle l’offertoire ; si la Réforme liturgique engagée au Concile Vatican II a remplacé le mot « offertoire » par cette expression « Préparation des dons », c’est pour nous aider à mieux comprendre de quoi il s’agit : ce n’est pas nous qui donnons quelque chose. L’offertoire est dans la Prière Eucharistique, c’est l’offrande de Jésus.
Dans la formule « Préparation des dons », il faut entendre « Préparation des dons de Dieu ». Au moment de la quête où vous donner un peu de votre subsistance matérielle pour faire vivre la communauté Eglise, vous apportez à l’autel du pain et du vin qui sont symboliques de la création et du travail de l’homme, nous reconnaissons que tout est don de Dieu : que nous ne sommes pas propriétaires de tout ce qu’il nous a donné, nous n’en sommes pas propriétaires, nous en sommes intendants : et ce geste répété à chaque Eucharistie va peu à peu nous transformer, et faire de nous réellement des intendants de nos richesses pour le bien de tous.
« Donnez-leur vous-mêmes à manger », Jésus voulait faire découvrir à ses disciples qu’ils ont des ressources insoupçonnées... mais à condition de tout reconnaître comme don de Dieu.
Si ce texte nous est proposé à nous, aujourd’hui, à notre tour, c’est que Jésus, devant les affamés du monde entier, nous dit aujourd’hui : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Et nous aussi, comme les disciples, avons des ressources que nous ignorons. A condition de reconnaître nos richesses de toute sorte comme don de Dieu et de nous considérer, nous, comme de simples intendants chargés de multiplier les richesses du monde pour les partager à tous les hommes.
Chaque dimanche, nous nous sommes rassemblés pour nous nourrir de la Parole et du corps du Christ. Le Curé d’Ars disait que nous n’en sommes pas dignes mais nous en avons besoin. Il s’agit d’une nourriture absolument essentielle. Comme les juifs au temps de Jésus, nous avons peut-être du mal à comprendre. Mais comme Pierre, nous pouvons dire : « A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle. » Soyons dans la joie, le Christ vient à nous, soyons fidèle à venir communier régulièrement pour recevoir le corps du Christ et être ainsi toujours un peu plus corps du Christ, pour en être témoin quotidiennement par l’amour que nous nous donnons les uns les autres.
De diverses sources