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samedi 31 août 2019

homelie du 1er septembre

Si nous avions à rassembler les textes que la liturgie de ce dimanche nous offre afin d’en trouver une trame ou un point d’attention, je vous inviterai à choisir la fin de l’extrait de notre première lecture, le livre de Ben Sirac le Sage, où l’auteur interpelle « son fils » - traduisons tout récepteur de ce message -, par cette phrase : « l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. ». Voilà un appel qui peut nous rejoindre en ce début d’année – puisque nous sommes plus marqués par le dynamisme du rythme de rentrée scolaire que par le début de l’année nouvelle.
« Une oreille qui écoute… ». Facile à comprendre, mais est-ce aussi simple à mettre en pratique ? Car avec cette expression s’ouvre tout un déroulé de manières d’être, d’attentions à porter aux autres, en un mot savons-nous écouter en liberté, en aimant, en nous ouvrant… ? De plus, la révélation biblique est essentiellement parole de Dieu à l’homme, ainsi Paul ira jusqu’à écrire : « La foi naît de la prédication et la prédication se fait par la Parole du Christ. » (cf. Rm 10). Cette écoute a donc des conséquences dans notre vie quotidienne comme dans notre foi.
Demandons donc en ce début d’année la grâce d’écouter Dieu nous parler. « Ecoutez », répète le Sage, au nom de son expérience et de sa connaissance de la Loi. « Ecoute Israël », redit chaque jour le pieux Israélite pour se pénétrer de la volonté de son Dieu. « Ecoutez », reprend à son tour Jésus lui-même, parole de Dieu. Mais écouter, accueillir la Parole de Dieu, ce n’est pas seulement lui prêter une oreille attentive, c’est lui ouvrir son cœur, c’est la mettre en pratique, c’est obéir. Alors serions-nous disposer en cette période des commencements de mettre en pratique cette invitation en nous interrogeant ? Ecouter Dieu nous parler par les Ecritures, bien sûr. Mais écouter son prochain, son conjoint, ses enfants, sa sœur ou son frère en communauté, ses amis et collègues de travail… Ecouter l’Eglise qui nous parle par ses Pasteurs, écouter monter en nous les bruits du monde même en leurs dissonances. N’aurions-nous pas à mettre en chantier ce travail de l’écoute ? En ouvrant cette perspective, en acceptant de nous laisser interpeller librement et sans filet ou préjugés négatifs, entrons dans cet exercice qui ouvrira pour nous un espace nouveau de vie.
Car reconnaissons-le, les hommes ne savent pas écouter ou ne veulent pas écouter. Et c’est là leur drame. Nous demeurons sourds aux appels de Dieu, et l’Ecriture ne cesse de nous redire que notre oreille et notre cœur sont incirconcis, c’est-à-dire rebelles, fermés au dialogue avec Dieu. Dieu seul peut ouvrir l’oreille de son disciple. Et tel un Maître, Il déploie beaucoup d’énergies pour nous façonner, nous travailler et rendre alors tout être libre et accueillant à sa Vie.
Jésus n’aura de cesse de béatifier celles et ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent, fécondant alors leur existence. « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent. » (Lc 11,28). La Vierge Marie en est l’exemple le plus saisissant. Depuis et même avant l’Annonciation, Marie écoute son Dieu lui parler. Elle s’efforcera de l’écouter aux heures les plus difficiles lorsque débout au pied de la Croix, elle recevra l’apôtre Jean pour fils, et à travers lui nous tous.
Cependant si l’homme a du mal à vivre cette attitude d’écouter son Dieu ou son proche,
Dieu écoute l’homme. Vous me direz que certaines de vos demandes sont restées sans suite…parquées au local des oubliettes.
Mais interrogeons-nous quelques instants : Dieu n’écouterait-il pas celui ou celle qui en déposant sa demande prend alors l’initiative d’ouvrir son cœur, c’est-à-dire en refusant toute pression sur Dieu pour que sa demande aboutisse ? Nous savons bien que Dieu n’est pas le distributeur gratuit de bonbons pour nous aider à recevoir et à vivre les désagréments de la vie. En déposant notre demande à Dieu nous nous engageons aussi à ouvrir un espace où pourra grandir notre confiance en Lui.
Ecouter Dieu, croire que Dieu m’écoute et se tient prés de moi, écouter mes proches…
voilà beaucoup d’attentions, mais toutes ont au cœur une même nourriture : c’est l’amour qui me fait écouter. Lorsque j’aime, je peux écouter et renouveler sans cesse mon écoute :
ce ne sera jamais la même histoire, le même refrain, mais toujours l’expression d’une vie qui se renouvelle. En venant nous asseoir à cette table de l’Eucharistie, pauvres et trop malentendants, laissons Jésus lui-même nous dire :
« Mon ami avance plus haut, j’ai encore beaucoup de choses à te dire. Ecoute-moi. »

De diverses sources

jeudi 15 août 2019

homélie du 15 août

Au début de son évangile saint Luc nous donne le rythme de notre pèlerinage sur cette terre : Marie se mit en route et se rendit avec empressement chez sa cousine Elisabeth enceinte de Jean le Baptiste. A travers son enthousiasme pour la Mère de Jésus, nous rejoignons dans le Magnificat la Vierge Marie au cœur de son propre mystère et au cœur du mystère du peuple de Dieu.
Marie, parce qu’elle est porteuse du Messie de Dieu, se situe d’elle-même au centre de toute l’histoire du salut.  
Dieu vient de se pencher vers sa servante, qu’il voyait si humble ; il s’est penché vers cette jeune fille de Nazareth. Dieu la couvrit de son ombre, elle est remplie de l’Esprit Saint,
je dirais même qu’elle baigne dans l’Esprit Saint, un simple oui comme réponse à la Parole de Dieu qui lui fut adressée par l’ange Gabriel, l’envoyé de Dieu.
Et c’est pourquoi Marie exalte et exulte. Elle exalte son Seigneur plus haut que tout,
plus haut que tous : lui seul est grand, lui seul aussi est assez grand pour l’amour qu’elle veut lui donner et qui brule en elle. Et elle exulte parce que Dieu l’a sauvée, elle la première,
pour la rendre digne du Fils de Dieu Sauveur.
Puisque Dieu est à la fois le Dieu de majesté et le Dieu qui se penche, la prière de Marie se fait à la fois adoration et allégresse : adoration devant le Tout autre, allégresse filiale auprès du Tout proche. Ainsi l’humble Marie de Nazareth, sans phrases ni discours, nous ramène devant l’essentiel de notre existence contemplative, devant ce double et unique mystère de majesté et de tendresse qu’il nous faut rejoindre chaque jour sans jamais le saisir, et sans jamais le posséder autrement que dans l’espérance, et recouvert par l’opacité de la foi.
Puis le regard de Marie embrasse, au-delà et à la lumière de son mystère personnel,
le mystère du peuple de Dieu. Dans le style des hymnes d’Israël, elle chante les habitudes de Dieu, qui sont autant de visages de sa fidélité.
Face au groupe du refus, où se retrouvent les superbes, les puissants et les riches de cœur, Marie rassemble autour d’elle le groupe du oui : les humbles, les affamés, l’Israël serviteur, puis Abraham et toute sa lignée d’hommes de foi.
D’un côté Dieu agit en force : il disperse, il renverse, il renvoie, il vide les mains, mais il reste libre, juste et souverain ; mais avec le peuple du oui, Dieu déploie tout son amour :
il élève, il relève, il comble de biens. Ilest celui qui « se souvient » ; il est Seigneur à la longue mémoire ; il sait qu’il a promis et ce qu’il a promis à ceux qui l’aimeront :
d’âge en âge il suit son idée et maintient son amour.
Pour tout le peuple des pauvres de cœur qui attendent et accueillent le salut comme Dieu l’a prévu et là où Dieu l’envoie, la force même de Dieu devient un autre nom de son amour : « le Puissant fait de grandes choses »


Et de fait, il n’y a que les grandes choses qui soient dignes de Dieu Mais ces choses grandes qu’il aime parce qu’elles lui ressemblent, Où Dieu les a-t-il faites ? Où l’ombre de l’Esprit s’est-elle faite plus dense et plus féconde ? - Au village perdu de Nazareth, que personne ne remarquait, dont personne ne parlait sinon pour se moquer des attardés qui y vivaient encore (Jn 1,46).
C’est à Nazareth, sous l’ombre de l’Esprit, que se poursuit la gestation humaine du Fils de Dieu. C’est de Nazareth que Marie partira lorsque le temps sera venu pour son enfant de naître dans la cité de David. C’est aussi à Nazareth que Dieu nous veut et nous rejoint,
le Nazareth de notre vie, de notre service, de notre amour quotidien. Que notre position ou notre tâche soient brillantes ou obscures, que notre compétence et notre dévouement soient reconnus ou ignorés, notre réponse à Dieu a toute son importance.
Dieu, pour faire en nous de grandes choses, n’a que faire de nos grandeurs et prestiges,
et plus nous mettons à son service ce que nous sommes avec nos richesses et nos défauts, plus il nous comblera de son amour.
Tout à l’heure nous allons baptiser le petit Armand, il va être plongé dans l’eau du baptême comme nous y avons été plongés, plongé dans l’Esprit de Dieu pour qu’il fasse partie du peuple de Dieu. Comme au jour de sa naissance il a été plongé dans l’oxygène de l’atmosphère terrestre, au jour de son baptême il est plongé dans l’Esprit Saint, pour vivre de la Sainteté de Dieu. Rappelons-nous de notre baptême pour vivre avec Marie dans la sainteté de Dieu.
De diverses sources

samedi 10 août 2019

homélie du dimanche 11 août

« A qui l’on a beaucoup donné on demandera beaucoup, à qui l’on a beaucoup confié,
on réclamera davantage…
 ». Voilà un petit mot « davantage  » qui nous pousse loin dans nos retranchements, Ce mot nous met en alerte, attise notre vigilance. Non la vie chrétienne ne sera jamais un long fleuve tranquille qui coule sans souci au gré de notre existence dans une forme de répétition nonchalante.
Au cœur de ce temps estival voilà une invitation qui risque de déranger une certaine tranquillité. Le Maître peut arriver à l’improviste nous rappelle Jésus : que va-t-il trouver ? Saurons-nous le reconnaître et l’accueillir ? Nous trouvera-t-il à l’œuvre, au travail ? « Tenez-vous prêts » affirme Jésus à ses auditeurs d’hier comme à ceux d’aujourd’hui. Rassemblés pour cette eucharistie, quelles sont nos préoccupations majeures ?
 Chacune et chacun d’entre nous pourraient formuler alors ce qui lui semble « sa » préoccupation principale, mais est-elle préoccupation de foi,
désir d’une vie chrétienne féconde ?
« Grâce à la foi », nous dit saint Paul dans la 2ème lecture ; reconnaissons que si nous sommes venu à l’église aujourd’hui, c’est grâce à la foi, à moins que d’autre soient venus pour autre chose, et je leur dirai que si vous n’avez pas la foi, demandez là, elle est un don de Dieu, on ne se l’invente pas, on ne se la fabrique pas, ce n’est pas une idéologie. Elle nous est souvent transmise par nos familles, nos amis ou des personnes qui ont une foi ardente. Cela depuis des millénaires. St Paul a retenu dans la 2ème lecture la foi d’Abraham et de Sara.

Tout a commencé pour eux avec le premier appel de Dieu (Gn 12) : « Pars de ton pays,
de ta famille et de la maison de ton père, et va vers le pays que je te ferai voir ».
Et Abraham « obéit », nous dit le texte ; au beau sens du mot « obéir » dans la Bible :
non pas de la servilité, mais la libre soumission de celui qui accepte de faire confiance ;
il sait que l’ordre donné par Dieu est donné pour son bonheur et sa libération, à lui, Abraham. Croire, c’est savoir que Dieu ne cherche que notre intérêt, notre bonheur.
« Abraham partit vers un pays qui devait lui être donné comme héritage » : croire, c’est savoir que Dieu donne, c’est vivre tout ce que nous possédons comme un cadeau de Dieu.
«Il partit sans savoir où il allait »: si l’on savait où l’on va, il n’y aurait plus besoin de croire! Croire, c’est accepter justement de faire confiance sans tout comprendre, sans tout savoir ; accepter que la route ne soit pas celle que nous avions prévue ou souhaitée ; accepter que Dieu la décide pour nous. « Que ta volonté se fasse et non la mienne » a dit bien plus tard Jésus, fils d’Abraham, qui s’est fait à son tour, obéissant, comme dit Saint Paul,
jusqu’à la mort sur la croix (Phi 2).
« Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge avancé (90 ans), fut rendue capable d’avoir une descendance » : elle a bien un peu ri, vous vous souvenez, à cette annonce tellement invraisemblable, mais elle l’a acceptée comme une promesse ; et elle a fait confiance à cette promesse : elle a entendu la réponse du Seigneur à son rire « Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le SEIGNEUR ? dit Dieu. A la date où je reviendrai vers toi, au temps du renouveau, Sara aura un fils » (Gn 18,14). Alors Sara a cessé de rire, elle s’est mise à croire et à espérer. Et ce qui était impossible à vues humaines s’est réalisé. « Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’avoir une descendance parce qu’elle avait pensé que Dieu serait fidèle à sa promesse ». Et il fallait la foi de ce couple pour que la promesse se réalise et que naisse la descendance « aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel et les grains de sable au bord de la mer ». Une autre femme, Marie, des siècles plus tard, entendit elle aussi l’annonce de la venue d’un enfant de la promesse et elle accepta de croire que « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1).
Grâce à la foi, Abraham traversa l’épreuve de l’étonnante demande de Dieu de lui offrir Isaac en sacrifice ; mais là encore, même s’il ne comprend pas, Abraham sait que l’ordre de Dieu lui est donné par amour pour lui, que l’ordre de Dieu est le chemin de la Promesse... Chemin obscur, mais chemin sûr. La logique de la foi va jusque-là : à vues simplement humaines, la promesse d’une descendance et la demande du sacrifice d’Isaac sont totalement contradictoires ; mais la logique d’Abraham, le croyant, est tout autre ! Précisément, parce qu’il a reçu la promesse d’une descendance par Isaac, il peut aller jusqu’à le sacrifier. Dans sa foi, il sait que Dieu ne peut pas renier sa promesse ; à la question d’Isaac « Père, je vois bien le feu et les bûches... mais où est l’agneau pour l’holocauste ? » Abraham répond en toute assurance « Dieu y pourvoira, mon fils ». Le chemin de la foi est obscur, mais il est sûr.
Il ne savait pas quelle leçon Dieu voulait lui donner sur l’interdiction des sacrifices humains, il ne connaissait pas l’issue de cette épreuve ; mais il faisait confiance. Des siècles plus tard, Jésus, le nouvel Isaac, a cru Dieu capable de le ressusciter des morts et il a été exaucé comme le dit aussi la lettre aux Hébreux.
Nous avons là une formidable leçon d’espoir ! En langage courant, on dit souvent
 « C’est la foi qui sauve »
En hébreu, le mot « croire » se dit « Aman » (d’où vient notre mot « Amen » d’ailleurs) ;
ce mot implique la solidité, la fermeté ; croire, c’est « tenir fermement », faire confiance jusqu’au bout, même dans le doute, le découragement ou l’angoisse. En français, on dit
« j’y crois dur comme fer »... en hébreu, on dit plutôt « j’y crois dur comme pierre ».
C’est exactement ce que nous disons quand nous prononçons le mot « Amen ».

Nos appuis ne seront jamais dans ce que nous possédons mais dans ce que Dieu nous donnera comme cadeau pour vivre l’humble quotidien, valeurs inestimables mais si fragiles.
Alors recevons cette messe comme un cadeau de Dieu, force pour cette semaine.

Que sera-t-elle ? Je ne sais, mais je sais que Dieu y sera l’hôte pour nous inviter à rester toujours et encore en tenue de service. Là est notre bonheur, ne l’oublions pas ! Gardons nos lampes allumées, elles sont signes que Dieu habite toujours notre existence et lui donne sens.

De diverses sources

vendredi 2 août 2019

homélie du dimanche 4 août

Il n’est pas raisonnable de rêver et de croire que les réalités d’ici-bas sont  durables pour notre avenir.
 « Vanité des vanités, tout est vanité » : cette sentence désabusée du roi Qohélet est devenue proverbiale. Pour se convaincre de sa sagesse, il suffit de porter un regard lucide sur les événements de ce monde : que d’injustices ! Que d’énergies englouties dans des projets éphémères ; que d’espoirs de prospérité légitimes détruits scandaleusement !
L’épisode présenté dans l’Évangile est une application directe de ce qui choque notre sage : « Un homme s'est donné de la peine ; et voilà qu'il doit laisser son bien à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine ». Ce dernier – le bénéficiaire du travail d’un autre - trouve même le moyen de se disputer avec son frère, en refusant de partager avec lui le don gratuit qui leur est fait à tous deux. Non seulement celui qui a amassé l’héritage ne jouit pas du fruit de son travail, mais en raison de leur « âpreté au gain », ses héritiers n’en profitent pas davantage : ils s’entredéchirent plutôt !
Celui qui se sent lésé élève la voix : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ». La démarche peut nous surprendre, mais il était normal dans le monde juif de l’époque, de consulter un « rabbi » pour résoudre ce genre de litige. Pourtant Jésus le repousse vivement : « Homme -  cela signifie qu’au-delà de cette rencontre particulière, c’est à tout homme que Jésus s’adresse - qui m'a établi pour faire vos partages ? » - sous-entendu  « les partages de vos biens terrestres ». Rompant avec la tradition rabbinique, Jésus refuse d’entrer dans la résolution du différent, argumentant que « la vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses richesses », car la jouissance de la vie véritable ne saurait découler de la possession de biens éphémères. Le seul problème de succession qui compte porte sur notre véritable héritage, auquel nous avons accès en devenant par la foi, cohéritier avec Jésus de la vie éternelle (cf. Rm 8, 17).
Nous nous acheminons ainsi vers l’interrogation que nous pose la liturgie de ce jour : à quoi notre cœur s’attache-t-il ? Vers quoi tendons-nous ? Quel sens donnons-nous à notre vie à travers nos choix quotidiens ?
Le problème de l’homme riche dont Jésus parle dans la parabole, n’est pas d’avoir amassé des richesses, mais de s’être coupé du réel. Il s’est en effet construit un monde imaginaire où il se trouve seul avec lui-même, dans un illusoire dialogue sans interlocuteur, puisque c’est à son « âme » qu’il s’adresse. Or que nous le voulions ou non, nous nous inscrivons dans une réalité organique qui englobe toute l’humanité, appelée à devenir le Corps du Christ, la Famille de Dieu. Et aux jours d’aujourd’hui avec tous les jeux d’internet, nous pouvons nous demander si l’on est dans la réalité ou dans le virtuel. Cet homme désire « se reposer », sans autre souci que de « jouir de l’existence » dans une vie centrée sur le « boire » et le « manger », c'est-à-dire la satisfaction égoïste de ses besoins. Hélas, le réveil de ce songe sera douloureux : « cette nuit même on te redemande ta vie ! » Au lieu de « s’enrichir aux yeux de Dieu » en partageant ici-bas ses biens avec ceux qui en ont besoin, il va se trouver pauvre et nu dans l’au-delà, tandis que d’autres jouiront de ce qu’il aura amassé dans ses greniers.
En ne vivant que pour lui-même, dans son rêve, sans souci ni de Dieu ni des autres, ce pauvre homme est devenu « fou », c'est-à-dire insensé, n’ayant pas su interpréter le sens des richesses que Dieu lui confiait.
Cet insensé, c’est nous, chaque fois que, perdant de vue notre destinée de gloire, nous vivons ici-bas en n’ayant d’autre horizon que la satisfaction de nos désirs et de nos envies.



 Dans la seconde lecture, Saint Paul nous aide vigoureusement à vérifier où nous en sommes de la gestion de notre vie : si nous nous adonnons « à la débauche ou à l’impureté », si nous cédons « aux passions, aux désirs mauvais, et à l’appétit de jouissance », il est clair que nous n’avons pas encore réalisé la « vanité » des plaisirs de ce monde.
Aussi longtemps que nous demeurons prisonniers de nos fantasmes, nous « ne recevrons pas en héritage le Royaume de Dieu », car, emportés par nos rêves nous ne collons plus à la réalité d’en haut. Il n’est pas raisonnable de rêver et de croire que les réalités d’ici-bas sont  durables pour notre avenir. Saint Paul nous enseigne une voie médiane, qui consiste à rechercher « les réalités d’en haut », tout en poursuivant notre pèlerinage ici-bas. La conclusion de la deuxième lecture est éloquente à cet égard : pour ceux qui orientent leur vie vers le Royaume qui vient, « iI n'y a plus de Grec et de Juif, plus d'esclave, d'homme libre, il n'y a que le Christ : en tous, il est tout ». C’est par notre vie fraternelle nous mettant au service des uns et des autres tout simplement que notre vie prendre le sens de l’éternité.

La prière du psaume de ce jour peut nous aider dans ce travail de conversion : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse ». Le souvenir de l’échéance inévitable qui nous attend au terme de cette courte vie, est sans aucun doute un moyen efficace pour « nous débarrasser des agissements de l’homme ancien » (2nd lect.).

« Oui Seigneur : "apprends-nous la vraie mesure de nos jours", afin que faisant un bon usage des biens qui passent, nous puissions dès à présent et pour toujours, nous attacher aux biens qui ne passeront pas. »

De diverses sources